CELUI QUI PEINT

Il peint avec ses mains, avec ses doigts, et aussi avec toutes sortes d’ustensiles lui permettant de s’exprimer sur la toile. Quelquefois, il utilise ses pinceaux pour caresser une colline, un champ de blé ou de lavande propres à sa Provence natale ; alors il peint avec son cœur.

Parfois quand la colère sort du plus profond de lui-même, il peint avec ses tripes, avec toute sa chair, de tout son être, cet être dont les pensées s’évaporent, qui ne reconnaît pas la force qui l’anime, trop avide souvent de reconnaissance, de succès, et, pourquoi pas, de gloire ?

Pour l’instant il peint. Il peint depuis toujours… depuis le héron au long bec qui illustrait son cahier de Récitations, puis, aux Beaux-Arts, les esquisses sur papier Canson qu’il barbouillait de quelques traits malhabiles pour exprimer un mouvement, homme debout, qui marche, qui saute, qui danse, homme assis, couché… Lui marchait sur un fil qui s’avérait très fragile mais il aimait cette insécurité, ce non-conformisme. Il arrivait même à jouir de son mal-être en peignant un visage de bagnard derrière des barreaux que ses mains étreignaient de colère, voulaient tordre. Cette nuit-là, à l’aube de sa jeunesse – 18 ans – il se sentit fier de son œuvre d’1,20 m. de haut, heureux et même soulagé.

Depuis ce jour, il a voulu mieux se connaître. Pourquoi éprouvait-il le besoin de salir des toiles vierges ? Il aimait peindre mais n’était jamais satisfait de ses réalisations. Prétentieusement, il imitait grossièrement Renoir, Cézanne. « Mais comment, se disait-il, pénétrer une pomme pour en extraire tout le parfum sur la toile ? Comment faire ressentir la fraîcheur d’une calanque, la chaleur torride d’un champ de blé aux moissons, la tiédeur d’un crépuscule d’été ? » Alors il a peint avec ses mains, avec ses doigts et parfois avec ses pinceaux.

Il peint. Il aime ça. Et la peinture l’aime aussi puisqu’il n’est pas rare d’observer quelques jours plus tard quelques restes de cobalt, émeraude, carmin, jaune d’or, sur ses bras, ses poignets, épaules, genoux, nez et même orteils. Et cela l’amuse ; alors il peint comme il respire et il peindra jusqu’à son dernier souffle.

Mais, pour l’instant, il écrit son texte : CELUI QUI PEINT !

Jean-Louis Stéfani – 06-2021                  

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